dimanche 3 avril 2011

Moscou 8 : Vous prendrez bien un petit dessert ?


UN VOYAGE QUI OUVRE DES PERSPECTIVES

ou

Le Gugu passe à l'Est (par la fenêtre)

épisode 8 : Vous prendrez bien un petit dessert ?

Le soir, après l'habituel parcours du combattant en bus, il fallait que nous allions manger. Premier problème… repartir hardi petit, après avoir vaguement eu la possibilité de s'étendre et d'envoyer quelques messages.
Second problème, Thierry ne serait pas là : il avait rendez-vous avec son cousin. Vous me direz que ce n'est pas un problème… mais si ! Car nous nous trouvions dans un état de déresponsabilisation avancé (aller là où on nous dit d'aller, faire ce qu'on nous dit de faire, avec comme seule initiative choisir des plats dans un menu de temps en temps). Et là, soudain, il allait falloir se rendre aux repas régionaux… on se sentait un peu abandonnés.

Mais nous avons été courageux, et nous avons réussi à grandir, à nous débrouiller tous seuls pour nous rendre au restaurant ! A chaque jour sa petite victoire !
Autre point positif : nous étions assez près du restaurant pour y aller à pieds, donc pas de bus ni d'embouteillage ! Youpi !
Courageux, nous avons donc cavalé dans la neige, avec nos petits escarpins vernis, pour nous rendre à ce fameux repas «par groupes».
C'est un concept intéressant, cette idée de faire dîner les gens par groupes locaux, et ça a dû être pensé par de fameuses têtes pensantes, spécialisées sans doute dans les ressources humaines. Je dis ça, parce que nous, nous n'avons pas tout compris. L'idée paraissait simple, renforcer les réseaux locaux par des moments conviviaux en petits groupes…
Super !
Bon, alors le fait que l'intégralité des participants du Forum se soit retrouvé dans le même petit groupe que nous, c'est ça qui me paraît complexe et vraiment révolutionnaire comme idée… si je demande qui il y avait dans les autres groupes on dira que je fais du mauvais esprit, alors je ne le demande pas.

Alors, là, notez bien sur un petit bout de papier le détail suivant, pour être sûrs de bien vous en rappeler pour la suite, c'est important pour la compréhension de l'ensemble.
Lorsque nous sommes arrivés au restaurant, les tables étaient entièrement couvertes de plats… c'était une sorte de buffet.
Nous avons tous pris quelques petits verres d'eau minérale locale, comme à tous les repas, comme apéritif. Et ensuite, nous avons commencé à picorer dans les plats qui se trouvaient disposés sur la table.
Nous papotions aimablement, l'ambiance était cordiale et les petits verres de… d'eau agréablement parfumés.
Et on nous apporta un nouveau plat…
Nous, on discutait, et avec les petits verres là, on n'a pas fait attention, sur le coup. Mais, si vous regardez votre petit papier, vous comprendrez sans doute le problème…
Eh ! Oui… la table était préalablement recouverte de plats, et ce dès notre arrivée.
  • Tiens, je te passe le plat, goûte, c'est excellent.
Le suivant, évidemment, il ne sait pas non plus quoi faire du plat, et il fait le même coup à son voisin. Etc…
Forcément, au bout d'un moment, le subterfuge devient un peu gros (qui est gros?) et il y en a un qui reste avec le plat dans les mains… on dira qu'il se trouve comme un c… hum, comme un imbécile.
Là on rigolait tous… sauf le… l'imbécile en question.
Bon, nous ne sommes pas des bêtes, et donc, après s'être bien foutu de lui, on se serre les coudes et on serre nos assiettes, et on lui fait une petite place pour qu'il se débarrasse du plat.
Mais, pendant ce temps, les serveurs nous avaient non seulement rempli nos verres de vin rouge, pour affaiblir notre vigilance, mais aussi refilé encore deux ou trois plats supplémentaires.
Et vas-y que recommence le jeu des chaises musicales, mais là on avait de plus en plus de mal à refiler les victuailles, plus personne n'était dupe.
On se retrouve tous avec plus ou moins un ou deux plats sur les bras. Toutes les surfaces horizontales du restaurant étaient encombrées et les convives des tables voisines étaient confrontés au même problème…

C'est là que se pointe notre ami Benjamin de Bruxelles, en pleine forme, les cheveux en pétard et le Windows Phone à la main.
  • Salut la France !
Nous, on était contents de le voir arriver, on l'invite à venir papoter un moment, et là, grave erreur… il accepte.
Il s'assied, et se retrouve instantanément avec un plat dans chaque main plus un ou deux sur les genoux, que nous avions déposés là en profitant de son manque de vigilance.
Ça a détendu l'atmosphère, on se sentait plus à l'aise, moins encombrés, et nous avons pu le soumettre à un feu nourri de questions concernant les dernières mises à jour logicielles de la suite Office.

Ceci dit, malgré cet intermède, le flot de nourriture ne se tarissait pas, et nous avons commencé à avoir des craintes pour notre intégrité physique et mentale.
Robert, en particulier, se rapprochait de plus en plus de l'explosion, au fur et à mesure qu'il sentait que la coût de toutes ces victuailles commençait à se rapprocher dangereusement du PIB des nations les moins favorisées.
Même le sujet passionnant de la suite Office ne parvenait plus à le dérider.

À ce moment, la délégation britannique s'est mise à chanter. Et nous avons compris qu'il allait falloir rapidement battre en retraite face à toutes ces vicissitudes morales, physiques mais surtout à cause de cette atteinte au bon goût.
Ce fût donc la débandade, toute l'équipe se ruant vers la sortie dans un chaos total, après avoir glissé les plats sous la table et tandis que les serveurs nous couraient après pour nous refiler les desserts que nous avions oubliés et tandis que les Brits hurlaient We are the Champions.

Oh ! My God !

Nous avons ensuite erré, par petits groupes hagards et désorganisés de deux ou trois pèlerins, pour regagner le havre de paix de notre hôtel.

L'air frais et revigorant du printemps moscovite nous a remis les idées en place, et nous avons pu papoter tranquillement, Laurence @frompennylane et moi, en essayant de ne pas nous perdre sur le chemin de l'hôtel.
Et c'est là que, pataugeant dans la neige et la gadoue, la dite Laurence m'a affirmé sans rire qu'elle n'était pas une aventurière. Elle qui deux jours avant se trouvait perdue dans Moscou, seule et sans idée de son adresse de destination, dans un taxi conduit par un Tchétchène ivre mort et peu accommodant.

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